#25 : Le climat du point de vue des entreprises : les analyses de The Economist
Il y a quelques semaines The Economist a publié un dossier spécial sur le changement climatique, « sur le point de bouleverser le monde de l'entreprise », écrit la revue, ajoutant que « les entreprises doivent réagir rapidement ».
Ce dossier est intéressant à deux égards : pour ses informations en tant que telles, bien que l’on pourrait porter un regard critique par endroits, mais aussi, justement, pour voir la façon dont le sujet du climat est traité par un magazine dont on connaît l’orientation très pro-« business » et libérale, et qui a souvent été décrit comme « le plus influent du monde ».
Il est par ailleurs assez instructif de voir comment de grands groupes se positionnent par rapport aux risques climatiques, au-delà des seules annonces à des fins de communication.
Je vous propose donc, pour ce 25e numéro de Nourritures terrestres, une sélection d’analyses issues de ce dossier.
Le dossier distingue 4 catégories d’enjeux :
1. La façon dont le changement climatique affectera les entreprises, en particulier sur le plan physique —> Lire partie 1, ci-dessous ;
2. Les réglementations visant à limiter le changement climatique, qui se renforceront sous diverses pressions (Etats, opinion publique, etc.) —> Lire partie 2, plus bas ;
3. Le risque de contentieux climatiques contre des entreprises dont la responsabilité sera dénoncée —> Lire partie 3 ;
4. Les évolutions technologiques qui ouvriront des opportunités pour les entreprises existantes (…constituant de potentielles menaces pour leurs concurrents) —> Lire partie 4 ;
Pour finir ce panorama nous aborderons enfin, en partie 5 et 6, les approches-types suivies par les entreprises vers la décarbonation, et l’enjeu des données et des labels.
Partie 1 : le changement climatique vu par le prisme des risques physiques et matériels
👉 Typologie et hiérarchie des risques.
Le cabinet spécialisé Four Twenty Seven a examiné les actifs physiques des entreprises cotées pour hiérarchiser les événements climatiques les plus menaçants. Leur étude montre que 30% de ces actifs sont menacés par le stress hydrique ; 20% par les ouragans et typhons ; 10% par des vagues de chaleur ; 3% par l'élévation du niveau de la mer.
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👉 Les entreprises sont de plus en plus dépendantes de tiers pour identifier leurs propres risques.
· Les acteurs spécialisés en risques climatiques ont développé leurs propres outils d’analyse, avec des modèles de plus en plus poussés. « Nous connaissons désormais les risques climatiques de nombreuses entreprises mieux qu’elles ne les connaissent elles-mêmes » affirme le dirigeant de l’un de ces cabinets.
· Les investisseurs ont eux aussi recours à ces analyses pour identifier la vulnérabilité climatique des entreprises qui les intéressent – un critère de plus en plus pris en compte dans leurs choix d’investissement.
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👉 Des signes d’une prise de conscience plus aigüe.
De plus en plus d’entreprises sont en demande d’analyses poussées. « Il y a un an encore, il était acceptable de ne modéliser que l'exposition d'un bâtiment, raconte James McMahon, dirigeant du cabinet The Climate Service ; désormais les sociétés immobilières veulent savoir comment les inondations vont affecter les loyers ou la valeur de revente de leurs biens dans dix ans ».
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👉 La tentation de minimiser publiquement les risques.
· Si elles sont plus nombreuses qu’avant à évaluer ou faire évaluer leurs risques climatiques, les entreprises ne révèlent pas toujours l'ampleur réelle de leur exposition, celle-ci étant souvent autodéclarée.
· Sans surprise les entreprises préfèrent souvent parler des opportunités qui s’ouvriront, comme le lancement de nouveaux services auprès de clients plus sensibles à l’environnement, plutôt que de leurs vulnérabilités.
· L’an dernier, le Carbon Disclosure Project (CDP), une association défendant la transparence en la matière, a mené une enquête déclarative auprès de 200 groupes sur leurs risques climatiques. Le total des risques autodéclarés s’est élevé à 1000 milliards de dollars ; mais les opportunités ont été évaluées à plus de deux fois ce niveau…
· Jusqu’ici seules 3000 entreprises dans le monde ont choisi de révéler leur empreinte carbone dans le cadre du programme du CDP ; seules 1600 d’entre elles se sont fixées publiquement des objectifs de réduction d’émissions ; et seules 1000 ont effectivement réduit leurs émissions l’an passé.
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👉 Le risque spécifique posé par les chaînes logistiques.
· Gérer la sécurité de ses propres infrastructures (usines, bureaux…) est une chose ; celle de ses fournisseurs et transporteurs en est une autre. Nombre de grandes entreprises négligent les risques que le changement climatique fera courir aux réseaux de transports, et notamment aux ports maritimes et aéroports, qui transportent d’immenses quantités de biens.
· Un groupe de chercheurs de Cambridge a ainsi identifié, après analyse des flux d’échanges maritimes, 21 zones particulièrement à risque. Sont notamment concernés le canal de Suez (par lequel transite 8% du commerce mondial) et le canal de Panama (4%), dès à présent vulnérables à la baisse du niveau de l’eau (risque de sécheresse).
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👉 Efficience vs. résilience.
· Plus un bien est complexe, plus le risque de perturbation est grand. D’après une étude du cabinet AIR Worldwide, les trois industries les plus vulnérables - celles qui dépendent du plus grand nombre de fournisseurs et d’étapes de fabrication - sont l’automobile (un véhicule contient en moyenne 30 000 pièces), l’électronique grand public et la micro-électronique.
· Les risques sont encore plus importants lorsque les fournisseurs d’une industrie donnée sont regroupés dans des régions spécialisées. Environ 70% des smartphones mondiaux sont assemblés dans une seule région de la Chine. De la même façon, la moitié de la production mondiale d'ordinateurs portables est effectuée dans une seule et même région. Lorsque le covid a frappé, de nombreux vendeurs d'ordinateurs portables n’avaient que deux semaines d'approvisionnement, raconte ainsi le dirigeant d’une entreprise spécialisée.
· Le risque que ces régions soient perturbées par des désastres naturels est pourtant en nette augmentation. Dès aujourd’hui la survenue de « l’ouragan du siècle » pourrait mettre à l’arrêt la production de semi-conducteurs. D'ici 2040 un tel événement sera deux à quatre fois plus fréquent qu’aujourd’hui, selon McKinsey.
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👉 Certaines entreprises cherchent à s’adapter dès à présent.
· Elles le font parfois depuis plusieurs années : les entreprises pharmaceutiques ayant des entrepôts à Porto Rico se sont mises à suivre l’évolution des tempêtes et à transporter leurs produits hors de l’île durant la saison des ouragans.
· Une minorité d’entreprises, plus conscientes que les autres des risques climatiques, cherchent maintenant à mieux anticiper :
Microsoft, dont les activités s’étendent dans une soixantaine de régions, a choisi de construire deux data centers par région, au cas où l’un serait endommagé par un événement climatique extrême.
L’entreprise japonaise Kurita Water Industries a dépensé 22 millions de dollars pour déménager ses bureaux dans un lieu moins exposé aux cyclones.
Au Kenya, Unilever, qui possède des plantations de thé près de la forêt de Mau, a planté près d’1.4 million d’arbres à proximité pour maintenir un approvisionnement naturel en eau pour ses plantations. Pour autant « 80% de la résilience de notre supplychain est réactive ; seule 20% est proactive », reconnaît le directeur logistique d’Unilever.
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👉 Comment financer l’adaptation et les reconstructions ?
· Environ 2/3 des pertes liées aux catastrophes naturelles ne sont pas assurées. En 2017, le Congrès américain a alloué 136 milliards de dollars de fonds d'urgence pour ce type de désastres – un coût qui représente en moyenne 1000 dollars par contribuable américain.
· Certaines villes comme Miami ont créé des impôts spéciaux pour financer des projets de protection face aux risques climatiques. Un observateur interrogé s’attend à ce qu’au cours de la prochaine décennie, les régions et Etats se fassent concurrence sur la protection des citoyens face à ce type de risques. « Les gens veulent travailler dans des endroits sûrs, et le capital suivra. »
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NB : le dossier aurait pu citer un autre risque physique du changement climatique pour les entreprises : les conditions de travail qui seront bousculées. L’augmentation des températures, pour ne prendre qu’un effet parmi d’autres, affectera les capacités de travail (physiques et cognitives) - sans parler, tout simplement, des régions entières qui deviendront invivables, par exemple en Afrique, ou au Bangladesh avec la montée des eaux.
NB2 : je ne développe pas dans cet article les enjeux réputationnels (marque et marque-employeur) et d’évolution des consommateurs, que j’avais déjà traités dans l’article « Un nouveau Zeitgeist » en mai 2019 (et qui ne concernent pas seulement les entreprises touchant directement le grand public).
Partie 2 : le changement climatique vu par le prisme de la régulation
👉 Comment le futur durcissement des réglementations sur le climat affectera-t-il les entreprises ?
· Plus les pouvoirs publics agiront tardivement, plus le choc sera important pour les entreprises qui n’auront pas anticipé, puisque l’effort de décarbonation sera d’autant plus violent.
· Le choc ne sera pas réparti uniformément entre les entreprises…bien au contraire. Une étude du cabinet Vivid Economics estime que dans le scénario de réglementation le plus doux (« le plus optimiste » écrit The Economist), 4/5e des entreprises verraient leur valeur évoluer de +/- 10%. Le choc serait concentré sur le dernier cinquième : les 100 entreprises les plus vulnérables perdraient 43% de leur valeur, et celles qui en profiteraient le plus gagneraient 33%.
· La répartition des vainqueurs et des perdants se fera en fonction des secteurs (l’énergie serait le plus fortement touché) mais aussi en fonction des chemins choisis par chaque entreprise au sein d’un secteur donné (voir plus bas la partie 5 sur les approches-types).
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👉 Les taxes carbone ne seront pas défavorables à toutes les entreprises.
· Dans les secteurs aujourd’hui très polluants, les entreprises déjà engagées sur des trajectoires de décarbonation pourront tirer profit de taxes carbone par rapport à leurs concurrents insuffisamment préparés, qui verront, eux, leurs coûts augmenter nettement.
· C’est ce qui pourrait se produire dans l'aluminium, par exemple. La production d'une tonne d'aluminium génère en moyenne 13 tonnes de CO2. Mais ce chiffre varie fortement selon la source d'énergie : il peut être réduit à 4 tonnes en ayant recourir à une énergie bas carbone pour alimenter les fonderies.
Partie 3 : le risque de poursuites juridiques
👉 Certains grands groupes courent le risque de poursuites à l’instar des grands cigarettiers
· L'American Petroleum Institute (API), qui regroupe les professionnels du secteur pétrolier, a renforcé son lobbying après l’élection de Trump pour favoriser des assouplissements législatifs. Certains groupes pétroliers, comme BP et Equinor, ont cependant pris publiquement leurs distances de l’API. Selon The Economist, ces groupes sont pris en étau entre leur volonté d’assouplir les réglementations et leur crainte de devoir subir à l’avenir d’importantes poursuites judiciaires pour leur responsabilité dans le changement climatique, à l’image des poursuites menées contre l'industrie du tabac.
· Le parallèle est sérieux : les grands pétroliers ont utilisé les mêmes tactiques d’influence que les grands cigarettiers pour semer le doute sur les liens de causalité ; certaines recherches ont été produites par les mêmes think tank ; et certains travaux de lobbying ont été réalisés par les mêmes scientifiques et agences de communication.
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👉 Des coûts colossaux
Le think tank “2° Investing Initiative”, qui a estimé le coût de potentielles poursuites contre 17 énergéticiens en étudiant les coûts payés précédemment par les cigarettiers, parvient à des montants impressionnants : des passifs compris entre 58 et 107 milliards de dollars par an – soit en moyenne entre 5% et 20% du bénéfice brut de ces entreprises.
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👉 Un phénomène qui monte en puissance
Les actions en justice liées au climat se comptaient sur les doigts d’une main dans les années 1990, selon le Sabin Center for Climate Change Law de l'Université de Columbia. Un début de frémissement s’est produit dans la décennie 2000 avec une vingtaine d’actions entreprises ; puis la décennie 2010 a vu ce nombre se multiplier, avec plus de 110 cas, ciblant principalement les producteurs d’énergies fossiles.
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👉 Les trois principaux cas de figure
1/ Les plaintes de villes ou Etats contre des géants pétroliers. La plainte-type est la suivante : un groupe pétrolier a extrait puis vendu des ressources fossiles ; or la combustion de ces ressources a accentué la fréquence d’une catastrophe naturelle donnée, avec les dommages supplémentaires à payer en conséquence. Le grand défi juridique est ici d’établir un lien de cause à effet clair entre les actions d’une seule entreprise et la survenue d’une catastrophe spécifique. Un avocat spécialisé estime qu’il faudra peut-être encore une décennie pour que l’une des actions engagées aboutissent à une condamnation.
2/ Les plaintes qui prennent le prisme des droits de l'homme. En décembre 2019, après trois ans de travail, une commission d’enquête officielle des Philippines a par exemple déclaré que les géants pétroliers pourraient être tenus juridiquement responsables de leurs contributions au changement climatique en raison de violation des droits de ses citoyens.
3/ Les poursuites menées au nom de l’argument économique. En 2018, ClientEarth, une ONG environnementale focalisée sur les actions juridiques, a acheté des actions d'Enea, fournisseur d'énergie public polonais, et a contesté l'argumentaire économique prônant la construction d'une nouvelle centrale à charbon. Les avocats ont fait valoir que l'investissement de 1,2 milliard d'euros détruirait de la valeur pour les actionnaires. Le juge a tranché en leur faveur.
Autre exemple : ce mois-ci débutera en Australie un procès contre un fonds de pension accusé de ne pas agir suffisamment pour protéger l’argent des épargnants contre les risques climatiques. Une victoire du plaignant, un épargnant de 24 ans, pourrait créer un précédent sur la façon dont les fonds de pension gèrent le risque climatique.
Partie 4 : le changement climatique vu par le prisme de la technologie
The Economist distingue quatre grands domaines d’application de la technologie à la transition écologique des entreprises : l’adaptation au changement climatique, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, et la capture du carbone.
1/ L’industrie de l’adaptation.
Elle ne fera que monter en puissance avec la croissance des risques physiques liés au changement climatique. Les dépenses des Etats et des entreprises pour tenter de s’adapter augmenteront donc dans des proportions considérables.
2/ L’efficacité énergétique.
· L’article prend l’exemple de Schneider Electric, qui tire 70% de ses revenus de projets d’efficacité énergétique : le groupe français a récemment aidé Lidl dans la conception d’un centre de distribution en Finlande. Schneider a mis en place un système d’économie d'énergie (des capteurs réduisent le gaspillage d’électricité en éteignant les lumières et les machines inactives ; l'excès de chaleur produit par l’air conditionné est stocké pour être utilisé lorsque les températures baissent ; etc.) dont l’efficacité est telle que le système permet de fournir de l'eau chaude à près de 500 foyers à proximité. Les coûts énergétiques du centre de distribution ont baissé de 70%; ses émissions de carbone de 40%.
· Dans le domaine des transports, puisque la décarbonation est très coûteuse, les potentiels gains d'efficacité sont considérables. Le constructeur de poids lourds Scania estime ainsi qu’un camion n'est en moyenne plein qu'à 60%, et envisage, dans ce contexte, d'utiliser des trackers GPS pour réduire les trajets peu efficients. Des gains similaires peuvent être réalisés aussi en mer. Les navires naviguent souvent à plein régime pour se rendre au port, puis font la queue durant des heures voire des jours avant de pouvoir amarrer. L’entreprise PortXchange s’est par exemple placée sur ce créneau : elle fait diminuer la consommation de carburant des bateaux en les alertant en temps réel des files d'attente aux ports.
3/ Les énergies renouvelables.
The Economist évoque notamment une méthode que je ne connaissais pas : le principe de véhicule-réseau. En partant du principe que les voitures sont garées 95% du temps, l’idée est d’utiliser les batteries des véhicules électriques lorsque ceux-ci sont à l’arrêt pour transférer de l’électricité au réseau de distribution électrique (plus de précisions ici). « Les voitures électriques sont pour nous des batteries avec des roues » dit ainsi l’un des dirigeants de l’entité innovation du groupe italien Enel, qui a lancé une expérimentation sur le sujet.
4/ La capture du carbone.
· Cette industrie est naissante. Il est encore trop coûteux de capturer une tonne de CO2 et la stocker en toute sécurité. Pour être compétitive, cette industrie aura besoin d’un prix du carbone nettement plus élevé.
· Des milliards de tonnes de CO2 devront être retirés de l’atmosphère d’ici 2100 pour atteindre l’objectif de 2° C, selon les différents scénarios du GIEC. La valeur médiane, tout scénario considéré, est de 730 milliards de tonnes.
· Avec un coût de capture de 100 dollars par tonne de CO2 - une estimation optimiste pour un futur proche -, les dépenses mondiales annuelles de capture du carbone pourraient atteindre 900 milliards de dollars dans les décennies à venir.
Partie 5 : les quatre approches-types suivies par les entreprises vers la décarbonation
1/ Vendre des actifs fossiles et en acheter de (plus) propres. C’est par exemple ce qu’a fait jusqu’ici le groupe néerlandais DSM, qui dit avoir réduit ses émissions de carbone de 90% entre 2006 et 2019 et être parvenu à cette baisse pour moitié grâce à la cession de produits pétrochimiques très intensifs en carbone.
2/ Acheter de l’énergie plus « propre » sans modifier son modèle d’affaires. L’initiative RE100 rassemble par exemple 260 grandes entreprises (américaines comme Apple, Facebook, Goldman Sachs, Coca-Cola…, françaises comme Axa, La Poste, Decathlon, Pernod Ricard, etc.) qui promettent de s’alimenter exclusivement à partir d’énergies renouvelables d’ici 2028 en moyenne. [NB : à noter que le site de l’initiative précise, sans surprise, que les achats de certificats de type garanties d’origine sont bien comptabilisés dans ces promesses].
3/ Investir dans des produits bas carbone
· Parfois en interne. Maersk, géant du transport maritime (industrie qui représente 2% à 3 % des émissions mondiales), consacre par exemple une partie de sa R&D à la recherche de nouveaux carburants, dont certains à base d’ammoniac, pour réduire ses émissions. « C’est un tout nouveau paradigme pour nous » explique son responsable des affaires publiques.
· Parfois en externe. Ainsi JBS, géant brésilien qui représente un quart du marché mondial du bœuf, investit dans des startups de protéines végétales ; Boeing finance des startups comme Zunum Aero dédiée à la conception de petits avions hybrides électriques [NB : startup qui a en réalité coulé l’an dernier mais qui continue manifestement d’être citée] ; Chevron, Occidental Petroleum et ExxonMobil ont toutes les trois acheté des parts dans des startups visant à extraire du CO2 de l'atmosphère ; etc.
· Au total les investissements des entreprises liés au climat sont passés de 135 milliards de dollars en 2013 à 172 milliards de dollars en 2018, selon la Climate Policy Initiative.
4/ Décarboner les chaînes d'approvisionnement
· En moyenne 60% des risques carbone d’une entreprise tiennent à sa supply chain, selon le directeur de la recherche du groupe Schroders, notamment parce que les fournisseurs qui subissent des taxes carbone peuvent répercuter ces coûts en amont de la chaîne.
· Décarboner les chaînes d'approvisionnement est délicat, d’abord en raison du manque de données disponibles (les multiples fournisseurs mesurent encore peu leur empreinte environnementale), mais aussi parce qu’il n’est pas toujours aisé de convaincre ses fournisseurs de prendre des mesures fortes.
· Dans cette optique Ikea a par exemple lancé un fonds de 100 millions d'euros pour aider ses fournisseurs à se fournir en énergies renouvelables. Autre approche, plus coercitive : Scania, un constructeur de camions suédois, forme ses fournisseurs à la décarbonisation et réalise des audits de durabilité ; les fournisseurs dont les résultats d’audit continueront d’être insatisfaisants verront leurs contrats rompus, a déclaré son dirigeant.
Partie 6 : l’enjeu des données et des labels
👉 Le besoin de meilleures données et de standards communs
· Peu d'entreprises savent aujourd’hui combien émettent leurs propres fournisseurs et peinent de ce fait à calculer l’empreinte carbone de leurs produits.
· Lorsque des données existent, elles sont souvent autodéclarées, incohérentes ou trop obsolètes pour être utiles.
· Des travaux sont en cours pour remédier à ce problème.
Avec l'aide de Google, deux associations, WattTime et CarbonTracker, travaillent à évaluer en temps réel les émissions des centrales à charbon à l'aide d'algorithmes et d'images satellites.
Un collectif d’entreprises mené par Microsoft prévoit de lancer prochainement un standard pour le reporting des émissions de leurs fournisseurs, étayé par des audits de soutenabilité. « La science nous dit où nous devons aller, mais les données nous disent où nous sommes maintenant » déclare le président de Microsoft.
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👉 Le chemin de la labellisation reste sinueux
· Des chiffres plus fiables permettraient de lever certains blocages. Les labels carbone pourraient par exemple guider les consommateurs vers des produits plus écologiques, ce qui inciterait d’autant plus les entreprises à se décarboner.
· Mais il y a aussi des raisons d’en douter : de nombreuses initiatives de labels carbone ont échoué à s’imposer ; il est difficile de convaincre les entreprises de les adopter sans obligation réglementaire ; et les consommateurs peuvent être déconcertés par l’immensité du nombre labels. L’Ecolabel Index, un répertoire de labels verts, en liste pas moins de…457 !
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