#50 : Climat et présidentielle : numéro spécial
« Le changement climatique n'est pas qu'un problème scientifique et encore moins technique. Il est fondamentalement politique. (…) Le nier et ne pas aborder ses enjeux de manière transverse et systémique est une prison intellectuelle qui conduit dans le mur » - Christophe Cassou, climatologue, directeur de recherche CNRS et co-auteur du dernier rapport du GIEC
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A l’occasion de la présidentielle je vous propose un numéro double sur le sujet « climat & politique », qui vient compléter le numéro paru sur ce sujet il y a un an (« Que penser de la loi climat ? Et autres convictions sur l’écologie en politique »).
Cette semaine, pour la partie 1, vous trouverez ici un récapitulatif d’analyses des programmes des candidats, puis les trois grands éléments que je retiens de cette présidentielle vis-à-vis de l’enjeu climatique.
La partie 2, dans une semaine, creusera un autre angle.
Le contexte : en 5 ans, une évolution inédite de l’opinion publique
Le sujet « climat » avait été quasiment absent des débats de la campagne présidentielle de 2017. On pouvait s’attendre à ce qu’il en soit différemment en 2022 : depuis 2018, et plus encore depuis 2019, l’environnement est en effet devenu depuis l’une des toutes premières préoccupations des Français dans les études d’opinion les plus sérieuses, comme l’étude annuelle « Fractures françaises ». C’est une situation : 1/ nouvelle, apparue durant ce quinquennat ; 2/ qui semble s’être inscrite durablement, c’est-à-dire de façon structurelle et non conjoncturelle, à l’inverse de sujets comme la santé apparue subitement parmi les principales préoccupations lors de la pandémie et qui a fait décroitre d’autres sujets ; et 3/ qui se retrouve globalement dans toutes les classes sociales et toutes les générations, avec des variations cependant marquées selon les préférences politiques : ainsi les sympathisants de LR et du Rassemblement National ne placent pas le sujet comme une préoccupation aussi élevée que les autres.
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Une non-campagne qui nous prive de débat sur le sujet
Pourtant, « malgré la forte attente de la population, il y a une forme de déni de débat démocratique sur le climat », selon les mots de la climatologue Valérie Masson-Delmotte. Cette présidentielle est une occasion manquée.
Il y a donc de quoi être légitimement frustrés de cette campagne, ou plutôt cette « non-campagne, déstructurée, fuyant les enjeux » pour reprendre l’expression de l’essayiste Raphaël Llorca (qui relevait, en janvier, qu’il est « tout à fait symptomatique que ce soit un film Netflix - Don’t Look Up -qui remet la crise climatique dans les discussions »).
La frustration est double : elle concerne le manque de débat de fond sur le climat ET l’offre politique sur le sujet. Entre les partis démagogiques sur les questions énergétiques, le refus d’une large partie d’entre eux de sortir de la logique du productivisme et de considérer sérieusement le levier de la sobriété, l’absence quasi-générale de plan sérieux pour respecter l’accord de Paris année après année...
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Pour être guidé dans son choix
En attendant, le premier tour approche. Pour nous aider dans notre choix, plusieurs analyses sont disponibles :
Le think tank I4CE a analysé et comparé les programmes des 7 principaux candidats, en particulier en termes de budget pour le climat : lire ici la synthèse ; et ici l’analyse par candidat.
Le Réseau Action Climat, qui fédère de nombreuses ONG, a proposé une analyse sectorielle intitulée « Que valent les candidats sur le climat ? ». Greenpeace a également proposé son propre décryptage par candidat. Reporterre a publié de son côté un comparateur des programmes sur l’écologie.
Le compte Twitter « Après l’effondrement » a réalisé un travail pédagogique et d’utilité publique qui compare les mix électriques proposés par chaque candidat à l’horizon 2050.
(Mise à jour 29/03) Les Shifters ont analysé les programmes des candidats sur la décarbonation : à retrouver ici sur le site de FranceInfo.
(Mise à jour 08/04) Voir ici le comparatif des programmes climat des candidats réalisé par les ONG de l'Affaire du Siècle, l'association Data for Good et le collectif d'experts climat Éclaircies.
(Mise à jour 08/04) Les candidats ou leurs représentants ont répondu ici aux questions de la Convention des entreprises pour le climat.
Globalement les analyses convergent dans le même sens, vers 2, ou 3 candidats, même si le sujet du mix électrique rend la lecture un peu moins limpide (ainsi un grand nombre d’observateurs critiquent le sérieux des positions de JL Mélenchon sur le nucléaire). Pour trancher entre ces candidats, le choix dépend de sensibilités personnelles (sur l’international, sur l’ambition de lutte contre les inégalités, etc.) et de l’envie ou non de voter « tactiquement » (par exemple pour que les questions écologiques soient au 2nd tour à la place des idées d’extrême droite, ce qui changerait la nature du débat d’entre-deux-tours et des débats politiques post-élection).
A noter aussi ce comparatif des propositions écologiques d’EELV et LFI, accompagné d’un tableur assez pratique, qui peut en intéresser certains.
Je voterai pour ma part pour l’un de ces rares candidats qui sortent du lot sur les questions écologiques, sans enthousiasme et avec une gêne vis-à-vis de certains points - et, surtout, avec la volonté ferme que cette situation sans alternative ne se reproduise plus à l’avenir (ce qui demandera du travail, et le soutien de ceux qui partagent cette même volonté).
Ce qu’on peut retenir de cette présidentielle
Je retiens trois éléments liés au climat, en dehors, donc, du besoin de faire évoluer l’offre politique.
1/ Un clivage droite – gauche très net
« L’écologie fait apparaître un clivage entre droite et gauche, en termes d’ambition, bien plus clair que par le passé » considère le politologue Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof, cité dans un article du Monde mi-mars.
Quelques extraits :
· « Les réponses à la crise écologique constituent la colonne vertébrale des projets portés par Y. Jadot, J-L. Mélenchon, et, dans une moindre mesure, A. Hidalgo, qui imbriquent les problématiques écologiques et sociales » écrivent les journalistes Audrey Garric et Stéphane Mandard.
· LR et LRM proposent une « réponse technologique sans remise en cause des modes de vie », estime Anne Bringault du Réseau Action Climat, qui ajoute qu’à l’extrême droite, « le climat n’est pas un sujet », et qu’à l’inverse, seuls EELV, LFI, et le PS détaillent des « mesures complètes permettant de lutter contre le changement climatique dans un esprit de justice sociale ».
· L’ambition sur la sobriété énergétique est par exemple radicalement différente entre J.L. Mélenchon qui veut diviser par trois la consommation d’énergie primaire d’ici à 2050, et V. Pécresse, qui propose « la chasse au gaspi ». Y. Jadot et J-L. Mélenchon sont les seuls à reprendre la préconisation de la Convention citoyenne pour le climat d’interdire les lignes aériennes lorsqu’il existe un trajet en train de moins de 4h.
· « Le lien de causalité entre un système économique basé sur les énergies fossiles et la crise climatique est escamoté par tous les candidats de Macron à Zemmour » souligne Clément Sénéchal de Greenpeace France. Selon lui, Y. Jadot et J-L. Mélenchon montrent « une volonté de réarticuler l’ordre économique et social autour de l’impératif climatique, plutôt que d’en faire une réflexion annexe ou une case à cocher en bas du programme ».
Il y aurait évidemment bien plus à dire et préciser, d’autant que les choses ne sont pas totalement manichéennes, que ce soit sur le rapport à la technologie (qui ne peut pas être le seul pilier mais dont nous aurons besoin, notamment pour décarboner l’industrie, ce que je trouve insuffisamment traité dans les programmes de J-L. Mélenchon et Y. Jadot), ou à la voiture (hormis Y. Jadot, « très peu de candidats assument de réduire véritablement sa place, même avec un accompagnement » relève Lucile Schmid de La Fabrique écologique), sans même parler du nucléaire et des renouvelables, qui accaparent l’essentiel du débat public sur le climat alors qu’il ne s’agit que d’un pan parmi d’autres du défi.
Sur ce dernier sujet, trois remarques tout de même :
1/ L’image ci-dessous, qui compare les mix électriques proposés par chaque candidat pour 2050 (lire aussi l’analyse qui va avec), montre bien là encore la netteté du clivage gauche – droite.
2/ Il faut avoir en tête les remarques suivantes du chercheur Greg De Temmerman, notamment vis-à-vis des candidats qui veulent freiner l’expansion des renouvelables : a/ Les renouvelables sont incontournables pour électrifier nos usages rapidement, puisque le nucléaire nouveau ne sera pas livré avant 2035 ; b/ Maintenir notre production nucléaire actuelle sera déjà un défi technique en tant que tel, et les 14 EPR prévus par Emmanuel Macron pourraient bien ne servir qu'à ça.
3/ Mentionnons enfin la note co-écrite en janvier par Nicolas Goldberg pour Terra Nova : « 15 propositions pour un plan de bataille pour le climat qui soit socialement désirable » - et notamment cet extrait : « Tous les scénarios de systèmes énergétiques 100 % décarbonés impliquent de véritables paris industriels, voire des ruptures technologiques inédites. (…) [Par exemple] les partisans d’un non-renouvellement du parc nucléaire existant devront préciser quelles sont les options retenues pour rendre neutres en carbone les centrales à gaz et autres moyens de flexibilité nécessaires à la sécurité de l’approvisionnement ».
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En somme, cette présidentielle aura permis de clarifier encore plus nettement les lignes de fracture sur l’ambition et la nature des réponses apportées au défi climatique, même si ces clivages étaient déjà en partie présents lors des élections précédentes.
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2/ Il existe maintenant un plan pour décarboner le pays
Il faut saluer le travail colossal réalisé par l’association The Shift Project pour aboutir à son Plan de Transformation de l’Economie Française (PTEF) : un plan secteur par secteur pour expliquer « comment la France peut réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 5 % par an » (voir le site ilnousfautunplan.fr). Ce plan est bien sûr certainement encore améliorable, et contestable puisqu’il repose sur certains hypothèses et privilégie certaines choix de société, mais il a déjà le mérite d’exister : jamais un tel travail n’avait été réalisé de façon aussi développée.
Cette présidentielle marque donc une première puisque ce travail a été réalisé dans le cadre de celle-ci. Il a d’ailleurs bénéficié d’un bel écho médiatique.
Au-delà de son contenu, un élément me semble important à souligner à son propos : l’intérêt que le Shift Project a réussi à susciter parmi une diversité d’acteurs - en particulier du monde économique - que nous n’avons pas l’habitude d’entendre sur l’enjeu climatique et encore moins face à des propositions aussi fortes et donc clivantes.
C’est presque une campagne présidentielle alternative que « le Shift » a fait vivre, de façon séquencée, ces derniers mois : l’association a accompagné la publication de chaque volet sectoriel de débats retransmis en direct (et en replay sur son site) avec des représentants de chaque secteur.
C’est ainsi qu’ont accepté de venir débattre - et ce faisant, de crédibiliser le travail du Shift -, au fil des sessions thématiques (« comment décarboner l’industrie / la mobilité / la santé / la culture … »), des dirigeants d’entreprises (DG de Veolia, DG de SNCF TGV & Intercités, DG d’ArcelorMittal France…), des représentants de filières industrielles (filière automobile, par exemple), de l’administration et des collectivités locales, des dirigeants ou représentants de syndicats de salariés (CFDT, CGT, FO) et patronaux (Président délégué du MEDEF) ; des dirigeants des milieux culturels (Directeur délégué du Festival d’Avignon, Directrice de l’Office national de diffusion artistique…) ; des acteurs du monde de la santé (Déléguée Générale de la Fédération Hospitalière de France, Chef de service en chirurgie au CHRU de Strasbourg…) ; etc.
Là encore, c’est inédit à ce niveau et de façon aussi large ; et c’était d’autant moins gagné d’avance que ces acteurs ont été invités à réagir à un travail dont le débouché est relativement radical, étant donné qu’il ne peut y avoir de transition douce si l’on veut rester sous les 2°C.
Par exemple, pour parvenir à une économie française décarbonée, le plan du Shift implique des baisses d’emplois significatives dans l’automobile (baisse nette de 312 000 emplois, soit 36% des emplois du secteur aujourd’hui) qui serait le secteur le plus durement touché, dans la construction neuve (- 190 000 emplois), dans le transport routier (- 113 000 emplois) et dans le transport aérien (- 38 000 emplois).
A l’inverse, le plan prévoit des hausses significatives dans :
l’agriculture et l’alimentation, permises notamment par la « relocalisation de la majeure partie des productions de fruits et légumes » (+ 366 000 emplois) et « la généralisation des pratiques agro-écologiques » (+ 133 000 emplois) ;
le vélo de fret (+ 111 000 emplois), quasi inexistant actuellement en termes d’emplois ;
la rénovation énergétique (+ 100 000 emplois) ;
la filière des véhicules électriques (+ 61 000 emplois, aussi bien pour la fabrication, la pose et la maintenance de dix millions de bornes, la relocalisation de la production, et les batteries) ;
l’industrie du vélo, en aval dans la distribution, l’entretien et la réparation (+ 187 000 emplois), mais aussi dans la production (+ 45 000 emplois).
le transport ferroviaire de longue distance (+ 37 000 emplois).
Le tableau ci-dessous récapitule les estimations du Shift, même si attention, les estimations intra-sectorielles, masquées ici, peuvent être importantes (notamment dans la mobilité longue distance et le logement).
(source : page 32 du volet « Emploi » du PTEF. Explications pages 33, 34 et 35.)
Ce type de travail manquait. Certains candidats politiques présentent parfois des programmes avec les créations d’emplois qu’ils prévoient, mais les destructions d’emplois restent un sujet tabou. Or il est nécessaire d’envisager la transition de façon globale, et ce suffisamment en amont afin de préparer les reconversions, d’adapter les formations, et d’orienter les investissements.
On peut d’ailleurs se poser une question : est-il normal que ce travail n’existe que grâce à la bonne volonté d’une association et aux dons de citoyens et d’entreprises (un grand crowdfunding a été organisé en 2020, ayant permis de récolter plusieurs centaines de milliers d’euros), et qu’il ne soit pas mené par les services de l’Etat chargés de la prospective, que ce soit France Stratégie ou le Haut-Commissariat au Plan de François Bayrou ?
Bien sûr, la totale indépendance du Shift Project vis-à-vis du gouvernement est un atout pour mener cet exercice. A l’inverse, « France Stratégie dispose certes d'une charte d'indépendance, mais il s'agit aussi d'un organe gouvernemental, dont la parole peut être vue comme celle du gouvernement », expliquait Matignon fin 2017 pour justifier son rejet d’un rapport jugé trop « farfelu ».
Néanmoins on est en droit de s’interroger sur l’utilité de ces organismes de prospective si ceux-ci ne s’attaquent pas aux transformations nécessaires, et parfois pénibles pour le gouvernement, pour rester sous les 2°C.
Ce mois-ci, France Stratégie a par exemple bien publié un rapport prospectif sur « les métiers en 2030 », mais celui-ci indique par exemple que l’emploi dans l’agriculture sera amenée à se…réduire d’ici 2030 - ce qui est par exemple tout l’inverse du plan du Shift. Deux rapports, deux chemins vers un même objectif ? Même pas : le scénario de référence pris en compte dans le rapport de France Stratégie ne permet pas à la France d’atteindre les objectifs climatiques de la Stratégie nationale bas carbone jusqu’en 2030, comme l’explique lui-même le co-auteur du rapport dans un entretien…Celui-ci précise qu’un (seul !) scénario alternatif a tout de même été modélisé pour atteindre nos objectifs climatiques, mais que celui-ci n’intègre pas la sobriété !
Bref, pour respecter l’accord de Paris et mener les transformations que cela implique, il va falloir changer de braquet et ne plus considérer comme optionnelle l’atteinte des objectifs climatiques dans les scénarios d’emplois. Dans cette optique, en attendant qu’une autre institution propose mieux, le plan du Shift constituera une précieuse base de travail après la présidentielle.
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3/ Le mot PLANIFIER n’est plus un gros mot (…mais reste encore à l’assumer dans les faits)
Le troisième et dernier élément que je retiens de cette présidentielle est le changement de regard sur la notion de planification. Ce n’est plus un tabou. Plus encore : les acteurs économiques eux-mêmes se disent en demande d’un plan pour la transition bas carbone, comme ici le Medef :
Il semble bien qu’un tournant se soit opéré dans les esprits.
Olivier Passet, directeur de la recherche de l’institut d’études Xerfi (…et ancien chef économique au feu Commissariat Général du Plan), parle ainsi désormais d’une « planification impérative » : « L’arme fatale des économistes – la taxe carbone et des permis —n’est pas dosée pour l’urgence [climatique]. Ces dispositifs fonctionnent certes. Mais à la marge. (…) Prendre le tournant climatique, c'est agir de front sur les prix, la demande, les structures productives, l’aménagement du territoire, dans un délai incroyablement court. Et mettre en mouvement tous les étages de la société. Difficile d’imaginer, disons-le, qu’un tel mouvement soit possible autrement que dans le cadre d’une planification impérative ».
Même Emmanuel Macron reprend désormais le terme de « planification » comme il l’a fait durant la présentation de son programme ce mois-ci. Sur RTL, l’éditorialiste économique François Lenglet n’en revenait pas :
« Un mot incroyable dans sa bouche a été prononcé : la planification. Soulignons que la planification écologique est le cœur du programme économique de Jean-Luc Mélenchon. Macron vient braconner sur les terres de l’extrême-gauche parce que cette idée est en phase avec l’esprit des temps. Pendant nos deux crises, l’épidémie et la guerre russe, nous avons touché du doigt les limites du système de marché. Avec les pénuries, les ruptures d’approvisionnement, les désordres engendrés par les fluctuations des prix du pétrole et des matières premières. Parce que la demande de souveraineté est désormais la pulsion politique principale, dans nos pays, et que pour la satisfaire, il n’y a guère que l’État. Parce que la transition écologique ressemble aux grands plans d’équipements de la reconstruction de la France après-guerre. »
Pas de révolution cependant : Emmanuel Macron n’a parlé de planification que pour la production d’énergie, ce qui fait aujourd’hui assez consensus.
Or il faudra aller bien plus loin que l’énergie.
Dans le travail du Shift Project, on peut lire ainsi : « Chaque secteur doit intégrer les enjeux énergie-climat au cœur de ses travaux prospectifs sur les compétences. On observe que ce type de travail est rarement engagé à l’heure actuelle, hormis dans les (trop rares) secteurs considérés comme ceux de la transition énergétique : énergie, bâtiment et transport. Les autres se sentent trop peu concernés », et « en particulier l'agriculture, l'agroalimentaire et l’industrie, grands absents des projections à l’heure actuelle. »
Deux secteurs sont emblématiques et sources de possibles graves crises sociales à l’avenir si une planification sérieuse n’est pas entreprise : l’aérien, et l’automobile. Je reviendrai sur l’aérien plus tard : le sujet est encore tabou car il vient toucher à la croyance d’un « avion vert » possible dans les horizons de temps compatibles avec l’accord de Paris.
Pour l’automobile, les esprits se préparent déjà : l’Observatoire de la métallurgie envisage, si la dynamique reste la même, la disparition de plus de 50 % des emplois industriels automobiles d’ici à 2035. Comme l’explique Marc Mortureux, qui représente la filière automobile en France, celle-ci « est confrontée à un problème de timing : même avec des investissements gigantesques, les pertes d’emplois risquent d’arriver plus vite que les nouveaux dans l’électrique ».
Les syndicats sont en attente d’anticipation, comme le dit Philippe Portier de la CFDT : « C’est le maître mot. Plus on attend, moins on anticipe et plus les solutions sont compliquées. »
Même Elisabeth Borne, ministre du travail, concède que, dans l’automobile, « les défis sont énormes et n’ont pas été complètement anticipés ».
Or, alors que les spécialistes sont nombreux à appeler à la mise en place d’un large plan pour anticiper les besoins (ce plan est « indispensable » pour l’économiste Thomas Gaudin de l’Ademe ; « nécessaire » pour la chercheuse Dominique Méda, pour qui « sinon ce sont les salariés qui vont supporter les ajustements. Il faut un véritable haut-commissariat au Plan qui jouerait vraiment son rôle d’anticipation et de coordination »), le ministère de la transition écologique, lui, répondait à ce sujet l’an dernier : « Faut-il une mégaprogrammation tous secteurs ? C’est très difficile à mettre en œuvre. La réponse n’est peut-être pas dans un grand plan colbertiste à la française ».
Plus encore que l’éternel débat nucléaire – renouvelables, voilà donc le sujet crucial que j’aimerais voir être débattu pendant cette campagne présidentielle dans les (rares) moment où le défi climatique est évoqué. Alors amis journalistes, animateurs d’émissions politiques, si vous nous lisez…
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C’était le 50e numéro de Nourritures terrestres (lien pour vous abonner). Retrouvez ici l’ensemble des numéros parus.