S’attaquer au défi climatique implique de remettre en cause les stéréotypes de genre, qui s’incarnent notamment dans l’alimentation.
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C’est un fait maintenant bien connu : limiter fortement sa consommation de viande, en particulier de viande rouge, est l’un des plus grands leviers à notre disposition pour agir à titre individuel contre le changement climatique.
La tendance est déjà là : 48% des Français disent avoir réduit leur consommation de viande ces 3 dernières années (certes d’abord pour des raisons de santé et de bien-être animal, l’environnement arrivant en 3e position, à égalité avec les motifs économiques). Mais il reste bien du chemin à parcourir.
Pour tendre vers une alimentation moins carnée afin de viser un monde moins carboné, c’est tout un imaginaire que nous devons faire évoluer, en acceptant de remettre en cause des croyances parfois solidement ancrées. Comme l’explique la journaliste Nora Bouazzouni, auteure de l’essai « Steaksisme, en finir avec le mythe de la végé et du viandard » paru au printemps dernier :
« La viande revêt une dimension psycho-affective, intimement liée chez certains à leur tradition familiale ou à l'attachement à leur région, et donc constitutive de leur identité. (…) Dans un pays comme la France, très attaché à son patrimoine culinaire viandard, [les incitations à en consommer moins] sont mal vécues par certains, qui dénoncent un putsch culturel ».
A cet égard, la polémique développée aux Etats-Unis après l’élection de Biden autour du lien climat - viande rouge (racontée rapidement ici, dans le numéro sur Biden) était très symptomatique. Le sujet crispe, beaucoup. Nora Bouazzouni le formule ainsi :
« Au même titre que le féminisme, le végétarisme est perçu comme un perturbateur social qui déstabiliserait une "identité nationale" primitive largement fantasmée et menacerait donc la masculinité hégémonique ; ce qui est vrai, concernant cette dernière, la viande étant le symbole ultime de la domination de l'être humain, et de l'homme en particulier, sur la nature : je te mange, donc je suis le plus fort. Les légumes, eux, sont associés au féminin et à la passivité. "Végéter, c'est mener une existence passive" rappelle l’écrivaine féministe Carol J. Adams, qui mentionne aussi le sens péjoratif du mot "légume" lorsqu'il désigne une personne dans le coma, un état dit "végétatif". Et de citer le philosophe Hegel : "La différence qu'il y a entre l'homme et la femme est celle qu'il y a entre l'animal et la plante". »
L’idée n’est pas de dire ici que nous devrions tendre tous vers le végétarisme : du strict point de vue du climat, l’enjeu est de limiter la viande rouge plus que de la bannir. Mais pour y parvenir massivement, il faut s’attaquer (entre autres) aux représentations collectives qui entourent la viande – et en particulier aux stéréotypes de genre.
A ce stade, un avertissement s’impose : le sujet n’est pas évident à aborder ici car chacun n’est pas au même stade de réflexions, découvertes et convictions sur les questions de féminisme et masculinité. Je crois qu’il faut le respecter ; il est logique que la société n’avance pas d’un bloc. Certains d’entre vous sont probablement déjà familiers de ces sujets grâce à des productions récentes (podcast « Les Couilles sur la table », essai « Le Mythe de la virilité », etc.) ou moins récentes ; d’autres n’ont peut-être jamais entendu parler de ces références et seulement vaguement des notions sous-jacentes. Dès lors inévitablement, les idées évoquées dans cet article peuvent sembler pour certains très banales, et pour d’autres biaisées, infondées, idéologiques, etc. – à la manière dont sont perçus encore aujourd’hui, par exemple, les discours remettant en cause l’idée de la croissance verte.
Mais voilà : pour s’attaquer sérieusement au changement climatique, il me semble que nous ne pouvons faire l’impasse sur les sujets clivants, qui dérangent, malgré les oppositions qu’ils drainent voire exacerbent dans la société. Une écologie dite « positive » qui ne chercherait qu’à rassembler autour d’idées consensuelles ne nous permettra pas d’atteindre à temps nos objectifs climatiques. Une étude parue dans Nature indique que pour tenir l’objectif de l’accord de Paris, les pays développés doivent diminuer leur consommation de viande de 90 %.
Dans ce chemin forcément difficile, qui ne manquera pas de créer des remous, les sphères dites « progressistes » ne peuvent pas se permettre de faire cavalier seul : le défi est d’embarquer toute la société. De là l’importance de sensibiliser massivement aux stéréotypes de genre de façon concomitante aux enjeux climatiques : former aux seconds n’ira pas sans former aux premiers. Comme beaucoup, j’ai moi aussi évolué sur ces sujets au gré de lectures, discussions, rencontres. Faire évoluer les regards est bien possible. Le but de ce numéro est donc de partager des éléments sur le lien entre genre et viande qui peuvent faire voir cet aliment sous un angle différent.
Sur Internet comme ailleurs, l’ampleur des réactions épidermiques sur les questions de genre, y compris parmi un public s’estimant bien au fait du sujet climat, montre l’étendue du chemin qui reste à parcourir. Or le temps presse. Si chaque partage d’une vidéo ou d’un post de J.M. Jancovici était accompagné d’une recommandation du podcast de Victoire Tuaillon ou du livre d’Olivia Gazalé, les choses iraient peut-être plus vite. Dans quelques années, il est possible que les idées évoquées ici soient vues par le plus grand nombre comme un enfonçage de portes ouvertes. Ce serait le meilleur signe qui soit.
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Les passages ci-dessous entre guillemets sont extraits du livre Steaksisme de Nora Bouazzouni. Je les complète ensuite par plusieurs résultats d’études sur le sujet qui me semblent intéressants à faire connaître.
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Un ensemble de mythes qui façonnent un imaginaire du « manger magique »
- « Le « manger magique » se traduit par des croyances selon lesquelles les carottes rendent aimables, les produits allégés font maigrir ou les huîtres sont aphrodisiaques. C’est aussi ce qui poussent certains à croire que les végétariens et les vegan sont faibles et apathiques, car en s’abstenant de manger de la viande, ils n’absorberaient pas la « force » de l’animal, son essence vitale. Les légumes, légumineuses et céréales, associées à la passivité – et donc au féminin – ne sont pas considérés comme des aliments aptes à donner de l’énergie et à contribuer au développement ou au maintien de la masse musculaire ».
- « On nous a toujours appris que force = muscles = protéines = viande. Or, si nous avions un besoin vital de viande pour rester debout (ou gonfler nos biceps ou être performant sur un terrain de basket), de nombreux pays seraient fortement dépeuplés, le végétarisme serait un régime suicidaire et les nombreux athlètes qui s'y sont convertis auraient bien vite lâché l'affaire. Pour info, dans 100g d'amandes, on trouve 25g de protéines - plus que dans le jambon et autant que dans le magret de canard. Et il y en a deux fois plus dans la luzerne que dans le ris de veau ».
Le rôle des stéréotypes de genre dans les comportements “écologiques” dont le végétarisme
« Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à adopter un régime végétarien [que ce soit pour des raisons de bien-être animal, de santé ou d’environnement]. Elles représentent 74% des végés aux Etats-Unis, les 2/3 en Espagne ; il y a deux fois plus de végétariennes que de végétariens en Allemagne, de même en Suède, et deux fois plus de femmes que d'hommes véganes au Royaume-Uni.
(...) En 2018 une étude américaine indiquait que les attitudes écologiques, comme "aller à l'épicerie avec un sac en toile réutilisable plutôt qu'utiliser des sacs en plastique", étaient perçues comme "féminines".
(...) Ces comportements ont un point commun : ils mobilisent l'empathie, un trait davantage encouragé et valorisé chez les femmes que chez les hommes à travers la socialisation genrée. »
Est-ce alors vraiment un hasard si « en France, aux élections européennes de 2019, quasiment deux fois plus de femmes (17%) que d'hommes (9%) ont voté EELV » ?
Se soucier d’autrui et d’environnement reste encore aujourd’hui associé à des valeurs vues comme féminines. Or puisque, pour le dire vite, une partie des hommes cherchent avant tout à paraître virils, ceux-ci veillent à ne pas donner l’impression d’être trop « écolo » - phénomène qui s’incarne tout particulièrement dans le cas de la viande.
Au cœur du problème, la peur de la « dévirilisation »
-« La viande est un enjeu de pouvoir, plus que tout autre aliment : c'est une manière de performer la masculinité hégémonique, (…) de prouver que l'on appartient aux dominants »
- « Le philosophe antispéciste Yves Bonnardel explique avoir été confronté à une "sorte de dévirilisation" lorsqu'il est devenu végétarien : "C'était ridicule de se soucier des animaux, c'était de la sensiblerie. Assez rapidement, j'ai cessé de dire que j'étais végétarien pour les animaux, je disais que c'était pour des raisons philosophiques, pour ne plus avoir à argumenter". Certains hommes qui adoptent ce régime codé comme féminin négocient donc leur masculinité au sein du groupe en invoquant des arguments rationnels et raisonnables (science, santé, philosophie...) pour éviter de se voir relégués parmi les masculinités subordonnées (avec les homosexuels et les hommes considérés comme "efféminés"). Sauf qu'en remasculinisant une pratique majoritairement féminine pour la rendre acceptable, ils se distancient des femmes et aux hommes végétariens, renforçant ainsi [les stéréotypes] ».
- « En 2006, une publicité pour la marque Hummer montrait un homme à la caisse d'un supermarché, sur le point de payer ses légumes verts et son tofu bio. Derrière lui, un autre homme, qui prépare visiblement un barbecue. Le végétarien a l'air gêné. Soudain, il aperçoit une pub Hummer sur un présentoir. Ni une, ni deux, il fonce chez un concessionnaire s'acheter un Hummer. Au volant de son nouveau joujou, il croque une carotte. Slogan : Restore the balance ("Restaurez l'équilibre"). D'ailleurs, le slogan originel était "Restaurez votre virilité". Le message est clair : un végétarien n'étant pas tout à fait un homme, il doit compenser sa part de féminité en surperformant la masculinité hégémonique.
Le choix du tofu dans cette publicité n'est pas innocent : comme il contient des phyto-œstrogènes (semblables aux hormones sexuelles femelles), il a longtemps été montré du doigt comme risquant de féminiser les hommes. Soy boy est d'ailleurs un surnom péjoratif donné aux hommes pas assez virils selon les normes en place. Pourtant, s'il est consommé en quantité raisonnable, le soja n'augmente pas le taux d'œstrogènes, ne réduit pas la testostérone et n'a pas d'incidence sur la fertilité. Les Japonais et les Chinois en mangent depuis des centaines d'années et tout va bien pour eux. Sauf qu'en Occident, les hommes asiatiques font partie des masculinités subalternes, désexualisés et peu virils aux yeux des Blancs. Le soja est tellement connoté qu'il suscite même une présomption d'homosexualité chez ses amateurs. En 2012, l'agence de pub allemande Scholz & Friends a reçu un prix pour ce slogan destiné à promouvoir des steakhouses : "Le tofu, c'est de la viande gay". »
Dès lors que faire ?
-« Si les hommes résistent, c'est parce que la masculinité est toujours vécue comme précaire et constamment à la recherche d'une validation de ses pairs. Et puis, la masculinité, c'est l'autonomie ; les messages sanitaires sont donc perçus comme intrusifs, des obstacles à la liberté individuelle de manger (ou boire, ou fumer, ou rouler à plus de 120 km/h). Alors, puisque les hommes résistent, il faut prendre la masculinité hégémonique à son propre piège et désamorcer ses croyances et biais cognitifs, pour lui faire croire qu'elle conserve toute son agentivité. Ne pas insister que manger trop de viande (ou trop gras, salé, sucré) a des conséquences néfastes sur la santé, mais souligner les bienfaits des légumes, céréales, fruits et légumineuses ».
[Ndlr : c’est exactement ce qu’est parvenu à faire le documentaire « The Game Changers » sorti en 2019, qui montre comment des athlètes de haut niveau ont pu atteindre des performances inédites après l’adoption d’un régime végétarien ou végan. Le fait que ce documentaire ait été diffusé sur Netflix et porté par un ensemble de personnalités servant d’icônes pour un certain nombre d’hommes (James Cameron, Lewis Hamilton, Novak Djokovic, Chris Paul, Arnold Schwarzenegger, Jackie Chan...), tout en s’appuyant sur une batterie de chiffres, statistiques et graphiques, a permis de toucher un public très large, d’ordinaire peu sensibles aux arguments vegan : de multiples témoignages font notamment état d’un effet « déclic » sur des pans entiers de jeunes hommes.
L’ironie de la situation est que ce documentaire s’appuie sur un argumentaire précisément pétris de valeurs virilistes (objectif de puissance, de performance, de records à pulvériser). A minima, cela vient appuyer l’idée que la viande n’est pas indispensable pour acquérir de la force physique et de l’énergie. Néanmoins ce type de « marketing masculin », qui ne s’attaque pas aux injonctions et stéréotypes de genre, ne permet pas de prendre le problème à la racine, et donc d’aller au bout des choses.]
-« Surtout, [il faut] éduquer, dès le plus jeune âge, en instaurant plus de journées sans viande ni poisson dans les cantines scolaires et des programmes d'éducation alimentaire. Dispenser des cours de cuisine gratuits à tous. Montrer des hommes qui font la cuisine - celle de tous les jours, et non pas juste celle qui rapporte des étoiles. (…) Apprendre à valoriser l'empathie et le "care" chez tous. Cesser de diviser et hiérarchiser les comportements, les pratiques, les genres.
(...) Si plus d'hommes ne craignaient pas d'y perdre leur virilité, peut-être embrasseraient-ils des pratiques considérées comme féminines. »
Une thèse corroborée par différents travaux sur ces sujets
Bien sûr, les lignes précédentes sont loin de faire tout le tour du sujet, et n’invalident pas d’autres grilles de lecture qui peuvent être complémentaires. Néanmoins ces analyses, qui ne sont d’ailleurs pas nouvelles (Carol J. Adams les développait déjà dans un livre réputé paru en 1990, The Sexual Politics of Meat), s’appuient sur un certain nombre de travaux. En voici cinq intéressants à connaître :
1- “Une étude universitaire américaine démontre un lien fort entre le fait de manger de la viande (particulièrement rouge) et la [perception de] virilité. Les chercheurs ont demandé à des participants de discuter de nourriture ; leurs associations de mots révèlent que certains aliments, comme la viande, ont une connotation nettement plus masculine que d'autres, les légumes par exemple. "Pour l'Américain lambda, la viande rouge reste un aliment macho, puissant, musclé et traditionnel. Contrairement au soja. Pour qu'il en mange, il faudrait renoncer à une nourriture qu'il considère comme masculine et puissante pour un aliment qu'il voit comme faible et fragile", écrivent les auteurs de l'étude, qui estiment que les diététiciens devraient explorer ce genre d'associations sémantiques pour influencer les attitudes des consommateurs” (source via Forbes).
2- “La majorité des Américains masculins mangent deux fois plus de viande qu’ils n’ont besoin d’apports en protéines. D’après les données du gouvernement, en 2011-2012, par exemple, l’Américain masculin moyen entre 30 et 39 ans mangeait 110 grammes de protéines par jour, soit près du double des 56 grammes recommandés par le gouvernement.
(...) En termes nutritifs, il y a pourtant peu de choses que la viande apporte que d’autres types d’aliments n’apportent pas. L'industrie de la viande aime vanter la teneur élevée en fer et en B12 des protéines animales. Mais le fer se trouve dans de nombreux légumes et haricots, et la B12 est disponible dans les produits laitiers et les œufs ainsi que dans les aliments végétaliens tels que les produits laitiers alternatifs”. (source)
3- “Selon un panel de biologistes et de nutritionnistes de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), il n'existe aucune preuve scientifique qui justifie une consommation plus élevée de protéines animales chez l'homme plutôt que la femme. Lucía Martínez, diététicienne-nutritionniste, explique : « Tout au plus, les hommes ont plus de masse musculaire et ont donc peut-être besoin de plus de calories, mais ils n'ont pas besoin de plus de viande rouge en raison d'un besoin supposément accru en protéines. Les différences nutritionnelles entre hommes et femmes ne répondent pas à un phénomène biologique mais culturel. Il n'y a pas d'arguments génétiques qui justifient le penchant des hommes pour la viande ou des femmes pour les légumes »”. (source)
4- “Selon un article paru dans le Journal of Consumer Research, plus la viande est rouge et ensanglantée, plus elle semble éveiller l’imaginaire de la masculinité. Une propriété qui la rend donc particulièrement appétissante à l’estomac des hommes qui se définissent eux-mêmes comme de vrais mâles. La viande correspond à leur image d’eux-mêmes [...et/ou qu’ils souhaitent se donner], qu’elle entretient.
Les chercheurs ont même classé les différentes viandes dans une sorte de palmarès de la virilité : le poulet arrive seulement en cinquième position, derrière le bœuf façon chili. Sur le podium : le steak bien cuit, le hamburger, et enfin le grand champion de la testostérone : le steak saignant.
L’étude montre que la viande rouge est un véritable signe de ralliement pour “les hommes, les vrais”. L’association d’idées entre viande rouge et virilité est importante aux yeux des hommes virils mangeurs de viande rouge. Pour les hommes américains forts, traditionnels, machos et gonfleurs de biceps, la viande rouge est un aliment...fort, traditionnel, macho, et gonfleur de biceps” (source ; lien PDF vers l’étude).
5- Et pour enfoncer le clou : “Des chercheurs de l'Université de Californie ont interrogé plus de 1 700 adultes américains pour découvrir la réalité sur le stéréotype selon lequel les hommes aiment la viande plus que les femmes.
Les chercheurs ont découvert que plus les hommes se sentaient obligés de suivre les « notions traditionnelles de masculinité », plus ils avaient tendance à manger du bœuf et du poulet.
(...) « Nos résultats suggèrent que changer les perceptions des hommes sur les concepts traditionnels de genre en s'éloignant de la masculinité peut entraîner une réduction de la consommation de bœuf et de poulet» ” (source ; lien de l’étude).
Le regard d’un cuisinier
Gilles Daveau, cuisinier, formateur culinaire, auteur de plusieurs ouvrages spécialisés sur la « cuisine alternative », avait donné un entretien au 1 Hebdo en 2018 que j’avais conservé. En voici les extraits qui me semblent intéressants :
Sur le constat et le diagnostic
-“Ce n’est pas l’élevage qui est critiqué : il n’y a pas d’agriculture sans élevage. Mais il faut retrouver le sens de cet aliment qu’on qualifiait autrefois de « noble ». L’information dont on dispose aujourd’hui est claire : on en mange trop. Les préconisations de santé publique en 2017 sont explicites : mangez moins de viande, beaucoup moins de charcuterie, et plus de légumineuses”.
-“Les nutritionnistes conseillent de limiter la consommation de viande rouge à 500g/semaine maximum. Pour la viande blanche, le lien avec le cancer est non-avéré. Pour la viande rouge, le lien est convaincant. Pour la charcuterie, le lien est certain”
-“Le véganisme est une solution extrême qui relève parfois de la posture. Mais il faut reconnaître qu’il a fait et continue de faire bouger les lignes. Les restaurants proposent de plus en plus des plats végétariens. Et il y a aujourd’hui des vegan chez les étudiants en cuisine, qui créent ainsi des menus plus diversifiés”.
-“Il faut poser la question de modèles alimentaires durables. Il y a 4 façons d’obtenir des protéines dans un repas : 1/ des protéines animales en quantité (steak-frites ou poisson-riz) ; 2/ des repas typique des cuisines du monde, comme le couscous ou les plats asiatiques, qui mêlent légumes, céréales et légumineuses, et un petit peu de viande ou poisson pour le goût et le complément nutritionnel ; 3/ une formule végétarienne, avec des œufs et des produits laitiers, comme la pizza ; 4/ une formule végétalienne, comme le falafel où les protéines viennent du pain et des pois chiches.
-“Aujourd’hui les protéines que l’on mange sont à 65% animales, 35% végétales. Il faudrait passer à 45% - 55%”.
Sur le “que faire”
Gilles Daveau estime nécessaire de faire évoluer les mentalités des cuisiniers et des consommateurs.
Côté cuisiniers:
“En cantine, ils ont mal fou à varier les menus et intégrer des repas végétariens. Pour les faire évoluer, il faut remonter le courant de leur propre culture de cuisinier, où les produits animaliers sont au centre et où le reste est accessoire. Il faut ajouter des protéines végétales aux menus et retrouver des aliments qu’on a oubliés”.
“Il faut revoir la façon dont on cuisine nos viandes. Aujourd’hui encore en CAP on apprend à cuire des rôtis de viande blanche à 200 degrés, ce qui leur fait perdre jusqu’à 38% de leur poids. Si on cuit le même rôti sur gril à 100 degrés, et qu’on le sort à 68 degrés, tout le monde trouvera la viande bien meilleure parce qu’elle sera bien plus juteuse. Et il n’y aura alors pas besoin de rajouter du gras, de la crème, des sauces…C’est donc aussi une question de technique”.
Côté consommateurs :
“Il faut sortir des représentations clichées, comme « si je mange de la viande, j’aurais de l’énergie » ; « si je mange des muscles, j’aurai des muscles ». Cette pensée magique reste dominante aujourd’hui ! Il faut comprendre qu’on peut avoir des protéines autrement”.
“Il faut comprendre que la viande qu’on mange aujourd’hui n’est bonne ni pour nous ni pour les autres. Dans les burgers, les nuggets, etc., c’est des ersatz de viande. C’est de la souffrance partout : pour sa santé, mais aussi pour l’environnement, pour les éleveurs, pour les animaux”.
“Il n’y a pas de modèle agricole durable qui permette de manger de la viande en quantité tous les jours”.
Trois dernières références
- La production industrielle de viande a en particulier trois impacts environnementaux, rappelés dans l’Atlas de la viande (via Juliette Nouel) :
Climat. La viande ne représente que 18 % des calories consommées dans le monde, mais sa production représente 57% des émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole.
Accaparement des terres. Près de 80 % des terres agricoles mondiales sont destinées soit à l'élevage soit aux cultures fourragères, ce qui renforce la déforestation et les conflits sur l'usage des sols. [NB : entre une alimentation purement végétale et une alimentation riche en viande (170g/j), l'empreinte sol moyenne d’un Français varie de 1200m² à 5300m², montre une étude récente. Inverser la proportion protéines animales / végétales permettrait de “libérer des terres agricoles en France et à l'étranger, de faciliter ainsi la conversion en bio des systèmes agricoles, et de relocaliser des productions pour des besoins domestiques”].
Pesticides. Les principaux producteurs de cultures fourragères sont parmi les plus grands utilisateurs de pesticides, qui contaminent les eaux souterraines et nuisent à la biodiversité.
-Deux articles approfondis parus récemment remettent en cause l’idée que la viande cultivée en laboratoire puisse se déployer massivement dans nos assiettes à court ou moyen terme : Lab-grown meat is supposed to be inevitable, but the science tells a different story (22/09/2021), et Lab Meat About to Hit Your Dinner Plate? Experts say it’s still a “moonshot” away.
-“Notre futur passe par les légumineuses” (Les Echos Planète) : un grand article sur le sujet, très documenté et qui pose bien les enjeux. La marge de progression est énorme : seuls 15% des Français adultes déclarent en consommer.
C’était le 43e numéro de la newsletter Nourritures terrestres. Bienvenue aux 345 nouveaux inscrits depuis le mois dernier, pour la plupart arrivés début octobre (curieux de savoir où vous avez entendu parler d’ici !). Encore merci à ceux qui soutiennent ce travail sur ma page Tipeee. A très vite. Clément
Ce sont les femmes qui ont en général le plus besoin du fer hémétique apporté par la viande rouge. JDÇJDR.